Entretien avec Mme Giraud, ancienne professeure des écoles à l’école de filles de Vidauban, puis directrice de l’école primaire mixte d’Henri Michel, fille de l’ancienne institutrice-directrice de l’école de fille.
M’y rendant avec mon informatrice, une ancienne élève de cette dame, nous nous arrêtons sur l’ancienne route de Lorgues, aujourd’hui avenue Maximin Martin, figure vidaubanaise de l’insurrection de 1851. Madame Giraud, qui nous ouvre, est âgée de 93 ans, maigre, habillée « à l’ancienne ».
Les deux portes qui séparent la rue de son intérieur ouvrent sur une entrée classique des maisons de village vidaubanaises: un escalier, sur la gauche, longe le mur et se recourbe pour permettre d’accéder aux pièces « à vivre » tandis qu’a droite, une porte ouvre sur le garage, qu’il convient de nommer « remise » dans la plupart des cas, puisqu’il ne sert que rarement à y garer les véhicules. La maison, à deux étages, n’est occupée par Mme Giraud qu’au premier. Son mari est mort il y a plusieurs années et elle vit seule depuis. En accédant au premier, où elle nous reçoit, je découvre un intérieur singulier. On ressent les racines « bourgeoises » d’une dame élevée à l’époque par des parents ayant un niveau de vie relativement aisé au village. Les tapisseries sont d’un autre temps, les livres qui s’amoncellent sur ses étagères sont de belles collections aux reliures flamboyantes, comportant les indispensables d’une culture littéraire classique. La bibliothèque, entourant la cheminée, occupe tout le mur ouest du salon, auquel on accède après avoir traversé le couloir par lequel on rentre dans les lieux habités. Sur les étagères de la bibliothèque, on remarque également de nombreuses photographies de ceux que je suppose être ses petits enfants. Le long du mur nord, entrecoupé de deux grandes fenêtres, trône une vitrine dans laquelle sont exposés de beaux ouvrages concernant la musique classique. Sur le mur est, on voit, rangés dans un porte fusil, les carabines de son mari, chasseur. Au dessous, un bureau d’artisan et un petit guéridon soutiennent une masse de papiers administratifs. Au centre, là où Mme Giraud nous propose de nous asseoir, de belles chaises rembourrées et un canapé de cuir (rivé).
G- Le petit village était plus attachant que maintenant, que ce grand village, avec toutes ses voitures, une population, qui n’est pas à critiquer mais que l’on ne connaît plus, tandis qu’avant c’était la famille; Disons que le village n’a pas suivi l’évolution, mais subi. Au contraire, pensez qu’avec deux mille habitants, il y avait plus de dix épiceries, il n’y en a plus qu’une aujourd’hui. Bon, ça, c’est l’évolution, les grandes surfaces qui attirent tout le monde. Mais l’usine, les bouchons, le camp romain, employaient chacun plus de cent personnes! Cela offrait un mouvement dans le village, la sortie des usines, le défilé des jeunes personnes arrivait jusque la boucherie! Tout le monde était joyeux, tout le monde était content. Après, il y avait aussi une petite usine vers la pierrerie, juste dessous, derrière les écoles. Elle était plus petite, mais prospère. C’était une usine de bouchons aussi, mais avant la guerre, quand j’étais jeune. Et puis les scieries, deux ou trois avant la guerre, employaient les jeunes gens. Tout le monde avait du travail! Je me rappelle encore une époque où, sur la pierrerie là bas, il y avait le dépôt pour les scieries. Il y avait les « billots » contre les murs, cela n’avait pas du tout le même aspect que maintenant.
Q- D’ailleurs, comment s’appelait la scierie place de la tuilerie, où l’on peut encore voir une cheminée ornée d’une plaque commémorative?
G- Je ne me souviens plus, il y avait M. Gastinel, M. Roux.
Q- Les Roux sont encore à Vidauban d’ailleurs? Il y avait plusieurs familles Roux lors de ma scolarité au collège?
G- Eux habitaient là, euh, (elle montre le centre-ville) un était banquier, il habitait à côté de chez moi. La fille Roux était Mme Goujon, épouse de l’ancien notaire, elle est décédée il n’y a pas très longtemps. Il y avait aussi M. (Cordouan), la banque c’était Roux-(Cordouan). Après, vous aviez aussi le grainage, on élevait des vers à soie, certaines maisons étaient des magnaneries; mais c’était il y a longtemps. Je vous parle là, peut être, de 1930 quelque chose comme ça. Tout le monde avait une pièce dans la maison pour les vers à soie, en général. Peut être pas tout le monde tout le monde, mais beaucoup.
Q- On la tissait, la revendait?
G- La soie, alors il y avait… On élevait les vers à soie. Après, à l’école Henri Michel, dans la moitié de l’école, il y avait le grainage. On apportait les cocons, les filles étaient toutes employées au printemps! On défaisait les cocons, et puis on les portait, il y avait après, euh, sur la route nationale, il y avait une pièce de sériciculture, où l’on triait les graines. Ensuite, par le chemin de fer, cela partait aux soieries de Lyon. Ici, ils ne tissaient pas. Le tri, on défaisait les cocons. Mais toutes les maisons avaient un mûrier! Toutes les maisons, un ou deux ou trois mûriers pour élever les vers à soie. De partout, dans toutes les propriétés.
A- Moi, la dernière magnanerie dont je me souvienne, c’était M. Vincent, en allant sur la route de St-Pons, et quand j’étais gosse on nous achetait encore un cocon, pour que l’on voie ce que c’était. On avait encore le mûrier à la maison, qui devait avoir plus de cent ans, on leur donnait à manger, puis il tissait le cocon. D’ailleurs, ce n’était pas le cocon que l’on achetait, mais le ver.
G- Nous à l’époque on en gardait. Dans la classe, à tour de rôle, les filles apportaient des feuilles de mûrier pour le nourrir. On élevait des vers à soie, ça leur plaisait. Après, on laissait un bâton de bruyère, le ver montait et y faisait un cocon. Et après, on laissait les vers évoluer, chrysalide ou autre, puis percer le cocon, et on gardait. Je les mettais dans un carton, et l’année d’après on ressortait les graines et l’on avait encore les cocons dans la classe.
A- Les cocons, pour filer, il fallait l’ébouillanter, le fil, s’il est crevé… Normalement le cocon sert de nid; s’il se perce, il meurt.
G- On les voyait évoluer, les petites s’amusaient à défaire le cocon pour avoir un fil le plus long.
A- Chez moi, on a conservé ce fameux bac (en extérieur, dans le jardin attenant à l’arrière de la maison, NdA) on l’on mettait de l’eau bouillante.
G- Donc c’était les grosses grosses euh, les bouchons, le camp romain, ça c’était, les bouchons, ça datait, datait de 1920 peut-être, après alors le camp romain est venu un petit peu plus tard. Le (chaid) y était avant, mais n’employait pas trop de jeunesse, de secrétaires. Après, ça été une certaine, à peu près ma génération, commençait à être employée, elles étaient amenées à faire un ou deux ans, ça s’appelait « la ruche ». Après, elles étaient employées au camp romain, elles étaient secrétaires, en général hein. Mais elles y étaient sept, ou huit, ou neuf là!
Q- Il y avait des jeunes aussi?
G- Oui aussi, les jeunes étaient employés à la mise en bouteille. Après ils ont modernisé, y ont mis une chaîne, (s’adressant à Aroma:) « ta mère y a travaillé ». Après il y avait aussi des maisons de couture, aussi, beaucoup.
Q- Pour les vêtements?
G- Oui, il y avait une maison qui était là au bout (elle montre la route nationale) chez les Codouls qui vendaient de jolis, jolis vêtements! Après, elle s’était installé dans la rue, juste à côté de la fontaine du Lyon, il y avait un joli magasin de mode. Il y avait aussi des chapelières quand j’étais plus jeune, mais ça a un peu disparu. Il y avait une dame qui vendait des chapeaux « myosotis », là où il y à les Turcs maintenant. Là où il y avait Collette Daudet aussi, là où ils sont en train de faire la nouvelle police municipale. M. David il s’appelait; j’avais quatre ans, cinq ans, j’ai des photos, il faisait danser les petites en provençales. Il y avait l’école de danse, il faisait danser les… il préparait les jeunes, c’était animé! Il faisait danser le dimanche, ou…
Q- Qu’est ce que vous dansiez, des danses provençales ou…?
G- Que des danses provençales, pas de danse classique comme aujourd’hui.
A- Oui, vous, vous êtes une vraie vidaubanaise
G- Ah, moi, mes parents, mes grands parents, mes arrières grands parents l’étaient déjà. Ca remonte! Je suis une « vieille » vidaubanaise. J’ai vu l’évolution: cette route nationale, qui était encore bien gentille pour les piétons, par ce que ma grand mère y avait un magasin de chaussures. Le soir, après huit heures, on sortait, on mettait des chaises sur la route nationale, c’est dire que les voitures ne nous incommodaient pas hein! On pouvait rester là bien tranquilles. On avait aussi beaucoup de magasins de chaussures. Moi je me dit parfois: mais c’est pas possible, il y avait quand même presque trois mille habitants, après la guerre là, tout de suite, mais je dit quand même, qu’est ce qu’il y avait comme commerce! Il fallait même que la population soit aisée, puisque tous ces commerces vivaient bien, prospéraient! On avait deux cinémas, maintenant on en a point. L’univers, qui était un beau café, et le petit casino. Et les foires de Ste Brigitte, cette fête de Ste Brigitte qui durait, presque la semaine! à la fin des vendanges, mais qu’est ce qu’il y avait comme forains! Oh, là là, c’était couvert de baraques.
Q- Elle se tenait sur la place?
G- Non, sur plusieurs rues. Sur la place de la mairie, il y avait les deux rangées de baraques, d’un côté et de l’autre, et une allée au milieu pour les couples. Pour les danseurs, qui touchait le ciment devant la mairie, il y avait une partie cimentée, les cafés mettaient leurs terrasses. Le bal était délimité par du feuillage vert, c’était beau tout le tour! Et, des baraques…
A- Moi je me rappelle que les commerces venaient jusqu’aux turcs, à la blanchisserie. Cette rue n’était pas à sens unique, c’était la nationale, ça prenait jusque là, ça remontait place du marché, occupait toute la route! Beaucoup plus grand qu’actuellement
G- Oh oui, c’était joyeux.
Q- Mais la foire se tient toujours?
A- Oui, mais plus personne ne vient, par ce que la destruction complète de la foire à eu lieu quand la place a été refaite.
G- Là c’a été fini. Après, sur la place du monument, il y avait tous les manèges. Les autos, les chaises volantes…
A- En fait, ils ont interdit de pouvoir marquer par terre. Donc les commerces ambulants venant exposer devaient laisser tous les camions à l’extérieur et charger tout à bras. C’est impossible! Comme moins de marchands sont venus, moins de gens ont fréquenté la foire. Les forains qui se sont installés se sont dis: on s’est tué à tout porter, et il n’y a personne!
G- Maintenant, on ne sait même plus si il y a la fête ou non.
A- Alors qu’avant elle se tenait jusqu’à la pierreries!
G- Oui, il y avait le marché aux bestiaux! Un jour, je me souviens, c’était rempli de bêtes: les chevaux, les boeufs… La place leur était réservée. Et ça attirait du monde!
Q- Vous parliez des rangées pour les couples?
G- on laissait la place, tout le monde se bousculait. Le soir, il y avait une bataille de confettis, c’était joyeux, tout le monde participait.
A- Les fêtes étaient provençales.
G- Maintenant, ça se perd.
Q- Mais la majorité des gens dans la ville, sont ils encore provençaux?
A- Ils ne le sont plus. On avait des retraites aux flambeaux, pour la fête du village
G- Chacun avait sa petite lanterne. La philharmonique, qui était importante, mon père en faisait partie. J’ai encore des photos de eux, on voit qu’ils étaient nombreux les musiciens! Nombreux, nombreux. Une fois par mois, ils faisaient un concert sur la place. On sortait les bancs, les tables, portaient leurs machins, leurs pupitres. Ils sortaient tout ça et faisaient un concert, sur la place, gratuit, ouvert à tous. C’était agréable, les cafés travaillaient. Et pour Ste Brigitte, le jour il y avait l’apéritif concert à onze heure. Tantôt dans un café, tantôt dans l’autre.
Q- La procession existait déjà?
G- Il venait des sociétés étrangères au village, le comité allait les rencontrer. Ils circulaient dans le pays, en arrivant, jouaient un petit morceau dans les rues, les gens sortaient, bien entendu! ce qui fait qu’il y avait du mouvement…
A- Je pense que les processions, je ne sais pas, ils ne les faisaient pas à l’époque.
G-, non, il y en avait une pour St-Pons. Ils sortaient St-Pons et l’emmenaient à la chapelle. C’est tout. Pour Ste Brigitte, c’est nouveau. Ça c’est plus centré sur le plan religieux depuis une vingtaine d’année. L’aspect catholique était moins présent, c’était la fête du village. La religion n’a jamais été très importante; celui qui était religieux l’était, il y avait l’église, la messe, mais les manifestations catholiques dans la rue « laïque », ça n’existait pas. Il y avait, pour Ste Brigitte, même pour la fête, rien de religieux. On montait à Ste Brigitte le lundi de Pâques, on déjeunait sur l’herbe, puis une messe était dite à la chapelle. Chacun portait son déjeuner. On redescendait en farandole.
A- Ca avait plus un côté laïque que religieux.
Q- même aujourd’hui, les processions subsistent dans un registre provençal? on voit les bravadeurs, les costumes provençaux, cela conserve un aspect culturel local plutôt que catholique?
A- au contraire, je pense.
G- Aujourd’hui, les bravadeurs viennent comme ça, pour animer. St Pons est restée un peu plus religieuse, une fois dans l’année, au printemps.
Q- Sinon, la foire qui existe encore, elle est dissociée de Ste Brigitte?
G- on ne sait plus où elle est
A- En fait, Ste Brigitte a eu lieu la semaine dernière.
Q- La fête du village donc?
A- Ste Brigitte est la patronne du village. Sur le calendrier, c’était le 07 Octobre. Il y a vingt ans, ils ont modifié le calendrier des saints. Maintenant, c’est en Juillet.
G- D’ailleurs, il y pleut tout le temps!
A- Comme il pleuvait tout le temps en octobre, ils avaient décidé de la faire un mois avant. C’est pour cela qu’elle se fait début septembre. Ils avaient lassé la foire, le 07 Octobre. Elle continue toujours à exister, mais du coup, c’est morcelé en trois morceaux: ils fêtent la ste Brigitte en Juillet
G- Celle du calendrier, qui s’est déplacée
A- Le premier dimanche de septembre est devenu la fête du village – cette année d’ailleurs, ce n’est plus la fête du village mais la fête foraine, par ce que effectivement, c’est là où l’on voit le changement, ce n’est plus les gens du village
G- Je ne sait pas si il y a eu quelque chose, on ne sait plus rien
A- Y’a une dizaine de baraques, un petit feu d’artifice vraiment dérisoire, quatre personnes étaient là. J’y suis allé « par accident », et me suis dit: mais quelle différence! Tu verras que le 07 octobre, il y a conservation d’une foire, mais qui n’a plus de foire que le nom.
Q- Ceux qui y viennent ne sont pas du village? et les forains?
A- Les forains n’ont jamais été du village; mais ils gagnaient leur vie à ce moment là. C’était la fin des vendanges, les gens avaient de l’argent. C’était une journée de liesse, de fête! La fin d’un travail temporaire et collectif, la fête. Les commerçants étaient content de remplir leur journée! La place, ça a été la fin de la fête, à partir de là, des plots, des barrières de partout, en plus il ne faut pas que cela marque le sol… Avant, avec le goudron, les gens mettaient des piquets.
Q- n’y a t-il pas aussi moins de vendangeurs?
A- Si c’est pas les vendanges, c’est le début du mois, et les gens ont de l’argent.
G- Il faut voir que de deux mille habitants, nous sommes maintenant douze mille! On en a pourtant pas l’impression.
A- Ca été flagrant. On exposait les voitures, chaque année, à la place des bestiaux. On avait fait des salons de l’automobile, on faisait venir des marques comme mercedes ou BMW dans les années 80. Et là, doucement, ils nous ont relégués à la place de la montagne, et nous nous sommes rendus compte, puisque nous on y était! Une année, où ils refesaient la place, il n’y a pas eu de foire. Et l’année suivante, interdiction de pouvoir s’y mettre! Pleins de gens sont partis! Moins de visiteurs égal moins d’exposant, les gens se sont dits que ce n’était pas le peine de tout charrier depuis le bout de la rue pour ne rien gagner. Aujourd’hui, des voitures il n’y en a plus…
G- tout se supprime petit à petit, à part le mouvement des voitures, alors que la population explose!
A- si proportionnellement, l’économie avait suivi, on serait un village très riche.
G- Maintenant, on s’y ennuie à mourir, alors on reste dedans.
Q- D’où est- ce que ça vient? Sur le jeu de boules, on peut toujours voir des personnes âgées qui se rejoignent et restent la journée à parler?
G- Au jeu de boules, ça tient. Mais ce n’est pas le village entier, c’est le jeu de boules. Et encore…
A- Prend le foot: le stade, c’était le stade Maurel. On a maintenant un magnifique stade fait par M. Bernard dans lequel personne ne peut s’entraîner!
G- Je sais même pas si il y a encore une équipe aujourd’hui
A- Elle y est, mais avant, chaque année se tenait le tournoi de sixte. Ça emmenait une richesse économique extraordinaire! Tu avais tout le Var qui venait faire le tournoi de sixte ici!
Q- Il en existe toujours, au Cannet-des-Maures, chaque année
A- Mais ici ils ne le font plus! Ça commençait le matin très tôt et ne finissait pas avant le soir. Les éliminations duraient jusqu’à la nuit. Les pâtissiers faisaient même les chocolats, au lieu de faire des poules, ils faisaient des ballons! C’était souvent le lundi de Pâques.
G- Il y avait un monde, oh là là!
A- les commerces, les bars, restaurant, bougeaient, vivaient, plein de gens de l’extérieur venaient pour se retrouver au sixte.
G- C’est fini, il n’y a plus rien, plus rien!
A- La soupe au pistou. C’était un truc festif et populaire, gratuit, c’était au stade lors de la fête du vin, le soir. Ça faisait venir je sais pas combien de personnes! La soupe était faite par le comité des fêtes, elle coûtait deux francs six sous, tout le monde pouvait se la payer. Là, maintenant, ils font la soupe au pistou à 19e par personne, qui peut se payer ça? pas tout le monde! Ça rentre dans les caisses du comité des fêtes. Ils ont même enlevé la fête du vin aujourd’hui, elle n’y est plus. Elle prenait toute la rue Carnot. Tous les producteurs venaient, pour pouvoir montrer leur vin en dehors de chez eux. C’était une sorte de foire aux vins. Aujourd’hui, les caves privées, et les coopératives faisaient déguster. De l’artisanat venait aussi. Elle durait deux jours, le samedi et le dimanche. Le samedi soir, on avait la grande soupe au pistou avec la fontaine de vin. Un orchestre venait jouer.
G- Le philharmonique jouait dans les bars, sur la place, accompagnait la montée à Ste-Brigitte. Un concert avait lieu en haut, sur le plateau, puis le soir se déroulait le bal. Ça avait une grande importance à l’époque! La jeunesse n’avait pas d’autres distractions, ne partaient pas en boîte comme on dit maintenant. La boîte, c’était la place.
Q- Cela avait, du coup, aussi un aspect matrimonial? les jeunes pouvaient s’y rencontrer et sociabiliser?
G- Je me rappelle des concours de danse. Mon dieu, ces concours de danse! On attendait ça. Il y avait à peine quatre ou cinq couples qui dansaient, mais on l’attendait: « il va y avoir le concours de valse, le concours de ça… » Tout le monde profitait beaucoup, jouissait, les gens étaient heureux. Le loisir était sur place, tout le monde était content.
Q- A partir de quand avez vous vu cela changer?
G- Maintenant, ce n’est plus pareil. Ce n’est ni la ville, ni le village, on a pas les avantages de la ville ni du village, mais tous les ennuis de cette transformation et c’est tout. Peut-être que dans quelques années ça se stabilisera, quand l’évolution… Maintenant, ça se transforme! le quartier où j’habite, on ne le reconnaît plus! Tous les grands bâtiments qu’il y a… Jusqu’au pont d’Argens, ca va maintenant! Qui va acheter ou louer, a part des courageux? c’est inondable. Mais par par l’Argens! C’est le ruisseau des Vallons qui déborde. Ces maisons, vraiment, c’est les pieds dans l’eau.
A- Ce qui est impressionnant, c’est qu’ils aient eu l’autorisation de bâtir ici
G- Mais comment l’ont ils obtenue? Ce ruisseau est quand même ennuyeux. Avec des buses comme ça ils le nettoient! Mais le dernière fois, une auto est passé dans le canal pour aller s’échouer dans la rivière. Tout était noyé dans ces habitations au bord du canal!
A- Quand l’eau du vallon est venue, on nous a dit que c’était exceptionnel. Mais je savais, étant de Vidauban, que ce n’était pas la première fois, de l’eau il en est tombé! A force de parler parler, ils se sont rendus compte qu’il y avait un problème. Il y a des tonnes de graviers qui ne sont pas curés au fil des années, et le passage n’existe presque plus, ce qui crée de la pression. Ici, elle a tout cassé, la route, tout! Au dessus, on s’est retrouvé inondés toutes les années alors qu’on est pas sur un terrain inondable, et on est en hauteur…
G- Des fois, pourtant, on me dit: « Argens a débordé jusqu’à la place, la route nationale ». Je dis écoutez, moi, je suis née ici, je n’ai jamais – à près, à force de réfléchir, je me demande- mais une année, en 45, il s’est produit, c’est vrai, que l’eau a dévalé la route nationale, ici aussi c’était noyé, mais c’était pas Argens c’était encore les Vallons qui avaient sauté au niveau du pont de la gare, dévalé la nationale, et c’était pendant la foire de ste Brigitte. C’était la fin de la guerre, c’était la période où l’on attendait la foire pour acheter quelques choses. Les vêtements, je me rappelle, les caleçons des messieurs qui flottaient… Ce ruisseau des vallons, c’était quelque chose d’épouvantable! C’est encore lui qui fait des siennes
A- Ou c’est nous qui ne faisons plus ce qu’il faut.
G- Et l’année où il avait tant neigé, il a débordé et les jardins, qui n’existent plus aujourd’hui, étaient inondés. Mais c’était exceptionnel, maintenant, c’est toutes les années. Vidauban n’est plus Vidauban. Moi qui y ai vécu toute ma vie, je me sens dépaysée. C’est vrai, pourtant, pour être plus vidaubanais que moi et ma famille…
A- Je me souviens du 14 Juillet, ma soeur me dit, « viens, on descend un peu » – c’était juste après qu’ils aient refait la place. On était assises à la civette, et d’un coup elle me regarde et me dit: « mais tu te rends compte, entre le fait qu’on ne reconnaisse personne, et que la place ne soit plus notre place »
G-, Sûr, c’est plus notre place
A- « j’ai l’impression que je ne suis plus à Vidauban! » C’est plus notre place, c’est plus…
G- Là, maintenant, une chose me fait peur, c’est qu’ils arrivent à démolir l’école. Si on démolit l’école, la place perd encore du caractère. Elle n’en aura plus! Elle n’est déjà plus réparée. Il y avait un balcon au dessus de la porte; il est tombé. On ne l’a pas réparé mais enlevé.Les empreintes y sont encore sur tout le tour. Les pierres restent, on dirait que c’est abandonné, comme une ruine. Alors je dit: si on enlève encore ça, Vidauban, c’est plus la peine de parler de Vidauban. Ce sera plus Vidauban.
Q- Vous vous souvenez de quand les gens ont arrêté de parler en provençal?
G- Ah beh, moi je sait que j’ai entendu parler mes grands parents, ils le parlaient encore, moitié provençal moitié français. Mon mari, quand il était directeur à la coopérative, il parlait parfois un peu provençal, et après, ça a du s’arrêter aux années… Après, l’école, on parlait français, jamais provençal. Et là, aujourd’hui, M. Brondello dirige une société provençale, il donne des cours, mais je ne sait pas si il y a beaucoup de monde.
Q- Peut-être étais-ce plus présent dans les familles paysannes, aussi?
G- Peut-être. Moi, si j’entends parler le patois, je comprend bien, quelques mots, mais après… Je comprends un peu, par ce qu’à l’époque, quand on suivait un peu les études, ça durait sept ans pour être institutrice, on avait des professeurs, d’italien, rien que d’italien à l’époque. Nous, on apprenait pas notre langue. Y’avait rien que l’italien. Et moi, je fais un peu la salade, de l’italien, du provençal, je mélange un peu les mots. Mais après, le provençal, non, je n’entends plus parler provençal. Peut-être au jeu de boules, de temps en temps. Même sur les terrasses des cafés, maintenant, c’est parisien! (rires) Et alors, les provençaux ne savent rien. Soit disant, nous on sait rien. Les anciens de Vidauban. Une fois, je me rappelle, c’était pas grand chose: il y avait un monsieur qui tenait encore les légumes et y’avait un autre monsieur qui était, là dans Vidauban, mais il arrivait de Paris. Alors il dit « oh, mais vous savez,(il vendait du cresson) ici, le cresson n’est pas très répandu, on en a jamais vu. Tandis que nous, à Paris, on en trouve. » Alors je lui ai dit « moi, monsieur, du cresson j’en ai mangé toute ma vie, je regrette, mais le cresson je sais ce que c’est, et c’est bon » « oh oui, mais », « mieux que tout, je lui dit qu’on les ramenait du ruisseau, on les cueillait« . Mon père en ramenait. On faisait les champignons, maintenant on peut plus y aller. C’était si agréable…
« Moi, les bois d’Astros, quand j’avais dix ans, onze ans, je me suis jamais doutée que les bois n’étaient pas à moi!«
Q- Tout le monde le faisait, ça, au village?
G- Ah oui, on allait aux champignons. Il y avait le petit commerce de M. Troin au coin de la rue, et le soir il attendait les personnes qui revenaient des bois, et qui ramenaient toute leur cueillette, et lui il les vendait. Quand il y en avait beaucoup, il les portait vers Nice, pour les revendre. Sur, les champignons, on se régalait, moi le jeudi, avec mes parents, on allait aux champignons.
Q- Vous connaissiez bien la forêt en habitant en ville?
G- Mon mari chassait. Les bois, on les connaissait je vous assure. Puis la forêt était plus près! On la connaissait bien. Quand on monte, vers le cimetière, on avait les bois presque tout de suite, et sans maisons! Quand j’étais jeune, petite, à partir de 18 ans, on a commencé à avoir quelques villas, mais là c’était les bois, sans rien. Quelques petits cabanons, de temps en temps, c’était tout. Mais maintenant, mon mari, fallait plus lui parler des bois. Il n’avait même plus de carte de chasse. Même si les bois appartenaient à quelqu’un, on avait pas cet esprit de propriété qui existe aujourd’hui. Les bois appartenaient à tout le monde. Moi, les bois d’Astros, quand j’avais dix ans, onze ans, je me suis jamais douté que le bois n’était pas à moi! (rires) En vacances, quand j’arrivais de l’école supérieure, en congé, je partais à Pâques, il y avait un grand pré bien fleuri, plein de pâquerettes et de fleurs. Je me régalais, je portais un bouquin, j’étais chez moi. Je ne demandais rien à personne. Dans le bois d’Astros, il y avait des sentiers, des promenades magnifiques. On y allait par ce que l’on s’y sentait chez soi. Il n’y avait pas de clôtures.
Q- Montiez vous aussi ramasser les châtaignes?
G- Il n’y en avait pas ici, mais plus haut, vers la Garde-Freinet. Y’en a qui montaient, certainement, peut-être que certains d’ici avaient aussi des propriétés là haut.
Q- Et pour le liège?
G- oh, le liège , ça c’est quand même perdu assez tôt hein…Quand j’étais… Moi, à dix ans, jusqu’à dix ans, il y a une évolution à partir des années trente, trente quelque chose… On voyait passer des tas de… Alors il y avait les bouchons là, avec le liège, on voyait passer de gros camions chargés de liège! On cueillait vers la Garde-Freinet, on flottait beaucoup. Mais le liège, on le trouve pas avant La Mourre, le petit hameau là.
A- Dans les années soixante soixante-cinq, on a commencé à importer du liège du Portugal. Et c’est à partir de ce moment là que… Tant que c’est resté local, ça a marché, mais avec la concurrence, et puis après il a fallu mécaniser…
G- Je crois qu’ils essayent de redémarrer un peu, du côté de la Garde-Freinet. Sinon, Collobrières, c’était vraiment le gros centre du liège. Liège et châtaignes.
Q- Pourquoi cet esprit de sauvegarde des techniques « patrimoniales » dans les communes proches mais pas à Vidauban?
A- Est- ce que ce n’est pas une volonté municipale, communale?
G- Oh, ça doit un peu influencer, oui. Sous Bernard (le précédent maire), c’était encore beaucoup plus… local. On s’intéressait beaucoup plus à la vie… D’autrefois, hein?
A- On faisait venir l’autre pour faire prospérer.
G- M.Bernard était un vidaubanais. Il est de mon âge, sa famille habitait ici, on a vu, on était petite…On est de la même année je crois, ou il a peut-être un an de plus que moi. Maintenant, je sais pas où ils sont, dans une maison de retraite je crois.
A- Ah bon?
G- Et bien, qu’on m’a dit, par ce que je ne vois plus Eliane. Je l’ai plus jamais vue! Et… On m’a dit, je crois qu’ils sont dans une maison de retraite, au Luc. Voilà. Après, je sais pas. Mais lui, il était encore l’âme de Vidauban.
A- Et puis ce qu’il faisait, il faisait venir les gens de l’extérieur, il recevait les gens de l’extérieur, pour, dans l’idée d’améliorer Vidauban, au contraire. Bernard, il aimait Vidauban, c’est un monsieur qui aimait vivre à Vidauban.
G- Et de le faire vivre! Vidauban. C’est Vidauban qui évoluait, mais Vidauban toujours.
Q- Mais le lieu a toujours attiré, les mouvements d’éleveurs, la transhumance, les ouvriers ponctuels pour les vendanges…
A- Oui. Mais c’est aujourd’hui exceptionnel.
G- La transhumance, on en voit moins passer. Même en camion, j’ai remarqué. Ça fait du bruit, aussi, il passe tellement de trafic que je ne sais plus trop. Il passe des voitures et des camions immenses, ça me fait peur. J’ai d’ailleurs abandonné de passer sur le pont d’Argents, il est trop étroit. Je n’y vais plus, me promener là bas.
A- Voilà une chose un peu aberrante. Le pont de l’Argens, il est hyper-dangereux, y’a pas de passerelle pour faire passer les piétons. Par contre, ils te mettent des plots dans toutes les rues, où y’a pas un chat qui passe.
Q- Pensez vous avoir eu une vie socialement plus intense à l’époque?
G- Je sais pas. Moi Vidauban, maintenant, je sais plus trop comment je navigue dedans hein. C’est vrai…
Q- Vous me parliez des artisans, ils étaient nombreux?
G- Ah oui, oh là là, il y avait beaucoup d’artisans à Vidauban! Plusieurs maçons, électriciens, les peintres…
Q- Des gens d’ici?
G- oui, des gens d’ici, oui, y’avait aussi M. Ferrua, M. Rey, qui étaient menuisiers, M. Troin, maréchal ferrant.
Q- Le même qui récupérait les champignons?
G- Oui, le même. Il y a encore Christian, Troin. Je l’ai vu l’autre jour, Christian. Mais l’autre on le voit plus, l’aîné, je sais plus comment il s’appelait, je me rappelle plus. Y’en a un qui habite à Chaume, je crois.
Q- Chaume, c’était Vidauban, mais c’était loin pour vous?
G- Loin… Oui, un peu. Croyez moi, je suis vidaubanaise, je suis monté une seule fois à Chaume! Je me disais, quand même, je disais à mon mari: quand même, je vais pas passer ma vie à côté de Chaume, sans y aller une fois! Alors un après midi, il me dit: « si tu veux on va à Chaume ». Mais maintenant, ça s’est développé, c’est tout bâti hein.
Q- Il y a beaucoup de villas, mais le hameau est bien conservé. En général, il y avait beaucoup de hameau avant?
G- Avant, tous les vidaubanais avaient un morceau à Chaume. Je crois, je suis pas bien sure, que Vidauban a été déportée de Chaume. Je sais pas si c’était… Moi je sais que j’ai un morceau de terrain, je sais pas où il est, j’y suis jamais allé. C’est pas à moi, c’est à mon mari.
A- Votre mari était un vidaubanais aussi?
G- Oui, mon mari aussi. Il est né ici..
A- Il avait la maison, au porche ?
G- Oui, on l’a encore.
A- Mais je savais pas qu’il était natif.
G- Son père avait cherché un peu, avec la municipalité à l’époque, Charles Perllegrin. Il avait regardé la généalogie, il était remonté jusqu’à mille six-cent. Après ils avaient plus trouvé (rires). Je leur avait dit: « vous avez fait tout ce travail, mais vous n’apportez aucune note, rien du tout? c’est comme si vous aviez rien fait? » Il était content, par ce qu’il avait vu jusqu’où… d’où il arrivait. Oh non (rires). Maintenant, c’est plus compliqué pour ces démarches. Quand on connaissait dans la mairie, le conseil municipal, tout ça, y’avait une salle pour les archives. On y allait, on pouvait chercher! Maintenant, c’est interdit, et on a enlevé une partie des archives pour les mettre à Draguignan.
Q- Vous connaissiez toujours quelqu’un de la mairie?
G- Oui, ou de la famille. Quand il y avait encore Collette Daudet, on se sentait encore un peu une entrée. Elle, elle y allait, elle était vidaubanaise, aussi elle, hein. Colette.
A- Quand on va à la mairie… Je suis allée à la mairie la semaine dernière, ça faisait longtemps que je n’avais pas eu besoin d’aller à la mairie. Euh… Je venais rencontrer Jean-Michel Garcia, qui est vidaubanais de…
G- Qui, Mme?
A- Jean-Michel Garcia, qui était marié avec Bertola. Non, sa mère était mariée… Raymonde Bertola
G- Ah oui,
A- Raymonde était mariée avec le père Bertola. On va dire que Jean- Michel est « un peu » vidaubanais. On va dire qu’il travaillait, donc… Mais c’était le seul! A l’accueil, tu sais pas qui c’est, sur le côté, tu sais pas qui c’est, tu montes au premier étage, tu connais personne! (rires) Tu connais personne!
G- Et oui… Et encore un peu, chose euh… Elle est dans un petit…
A- Oui, Martine! Martine euh… Bouillon. Oui bah alors, ils l’ont fichue dans une pièce, comme vous dites. Oui, j’ai eu besoin de téléphoner pour la tombe de ma mère justement, et je suis tombée sur elle qui m’a dit « oui, bien ils m’ont fichue là… » Au service des eaux, elle était responsable du service des eaux! Le savoir qu’elle avait est plus utilisé. Elle connaissait Vidauban depuis petite. Une famille d’ici, elle a grandi ici, et avait des compétences. Ça se bureaucratise, ça se mécanise. Tu enlèves l’humain, le côté humain. Je veux dire, si tu as un problème pour payer ta facture, c’était Martine, on connaissait, elle faisait un geste, elle disait « je connais machin, y’a pas de problèmes! » Maintenant, t’as pas l’argent pour payer ta facture, on te dit « bah attendez, tel jour on vous coupe l’eau »
Q- Donc chaque vidaubanais est situé dans un réseau de famille?
A- De famille, d’amis, d’alliances… de naissance! Et ça crée ces liens, social. A l’école, on allait pas interdire à un enfant qui n’avait pas son ticket de manger à la cantine. Qu’ils aient l’argent ou pas. Aujourd’hui, c’est plus ça du tout. Ceux qui ont le ticket ça va, ceux qui ne l’ont pas ne mangent pas.
G- Maintenant c’est tout compliqué. Moi quand il y a eu Colette, j’avais beaucoup de ressources pour les propriétés. J’y allais, je disais « oh Colette, dis moi un peu pour tel terrain… ». Maintenant,
A- On n’y connait plus personne!
G- Alors avant de partir, elle m’avait dit « Mme Giraud, je vous ai fait vos relevés, si toutefois vous avez besoin de quelque chose… » Alors, elle m’avait fait le relevé des propriétés, pour établir. Maintenant, après, la plupart ne connaissent rien de Vidauban. Ils ne connaissent rien, et de toutes façons, on ne leur apprend rien non plus. On ne leur apprend pas, ils ne sont pas d’ici, les parents non plus.
Q- Pourtant les jeunes s’attachent quand même à a ville? Beaucoup essayent de la quitter, mais beaucoup y reviennent, par ce qu’ils y ont aimé l’esprit, la qualité de vie.
G- Quand on me dit, « il n’y a plus de vidaubanais », je dis écoutez: « c’est pas qu’il y a plus de vidaubanais, les vidaubanais sont encore là! Mais ils étaient… Mettons qu’il y ait tout le monde; après, d’autres sont partis… ils étaient deux mille, trois mille, et maintenant on est douze mille. Evidemment que les vidaubanais ne transparaissent plus au milieu de cette masse! » Mais ils y sont les vidaubanais.
A- En plus, je pense que le vidaubanais s’est laissé, j’en discute avec mon mari, qui n’est pas vidaubanais de naissance, du tout, mais qui est arrivé jeune et qui s’est beaucoup intégré dans la vie du village, jusqu’à, jusqu’à fonctionner comme nous, en définitive. Je trouve qu’on a, on a pas étés assez rentre dedans, on a pas été assez euh… en disant, attends, « c’est notre culture, on est chez nous, euh… on vous accueille, ok; mais c’est pas nous qui nous plions à vous, mais l’inverse ». Je pense qu’on a pas assez fait ça. Quelque part. D’accueillir, mais tout en conservant en valorisant. Toute la journée, on s’entend dire que les provençaux on fait rien
G- Qu’on sait rien
A- Toute la journée, je fermais ma bouche, alors que j’aurais pu l’ouvrir. D’une certaine manière, ne rien dire, c’est accepter tu vois? Dans mon cas, si je disais quelque chose, je perdais un client. Donc je disais rien. j’étais obligée de ne rien dire! Et comme nous, beh… Chacun, à cause de son travail, à cause de… Oui généralement c’est le travail, par ce que, que tu sois salarié quelque part, tu te plies au patron, si tu es à ton compte, tu te plies au client, et même celui qui est fonctionnaire, son chef est d’ailleurs … Et il doit fermer sa bouche et accepter! En définitive, tout doucement, on s’est laissés dilués, et on est là, comme on dit, des atomes sur terre, mais on nous voit pas.
G- Mais maintenant, je trouve qu’il y a quelques jeunes qui reviennent à Vidauban. Quelques jeunes qui ont la retraite, attention hein. Ils viennent, mais c’est encore un peu l’esprit de Vidauban qui arrive. Alors je dit, ne vous inquiétez pas, peut-être qu’il y aura…
A- Notre génération, celle d’après la guerre, a fermé sa bouche par ce qu’elle était en activité. Aujourd’hui, n’étant plus en activité, je peux l’ouvrir. Si aujourd’hui, quelqu’un me dit, « les provençaux, les gens de Provence, c’est des nuls, des bons à rien, heureusement qu’on est là » Moi je trouve… Et chez les jeunes, pareil! Ils travaillent pas, alors ils l’ouvrent.
G- Là où ça bouge bien, c’est dans le haut Var. Beaucoup de fêtes provençales. Y’a l’esprit de montagne. Je vois, sur des petites revues, des journaux. Je me dit à chaque fois « oh tiens eux, ils font encore ça, ils font encore ça… »
A- Vidauban, zéro culture.
G- Non, Vidauban c’est tout perdu. On se complaît à tout démolir.
A- C’est pour ça que c’est bien une volonté municipale.
Q-Quand est-ce que vous avez vu commencer à bâtir des maisons qui n’étaient plus dans le « style provençal »?
A- Les années quatre-vingt.
G- Oh, dès dix-neuf cent trente on a commencé à faire des villas! Dans un style provençal nouveau.
A- Mais le style, il se modifie ! Mais que du jour au lendemain… Je vais t’expliquer: les Vincent, qui avaient l’agence immobilière, avaient fait une maison toute en pierres apparentes, sur la route d’Entraigues, là. Et ils avaient mis des petits carreaux. La DDE a dit, « les petits carreaux c’est pas provençal ». Et effectivement, à l’époque, les petits carreaux n’étaient pas dans le style provençal. Donc on lui fait enlever ses petits carreaux, et, on fait mettre des vitres normales. Des grands carreaux. Par ce que normalement c’est des grands. Quelques temps après, les maisons Phoenix ont commencé. Et celles-ci ont été acceptées. Moi, je travaillais avec sa belle-soeur, c’est comme ça que je le sais. Ils ont eu le droit de faire n’importe quoi: couleur, architecture, matériau, la décoration de jardin, la fermeture: on n’était pas habitués à fermer les terrains! Chez nous, on n’avait pas de barrière! On a du mettre une barrière avec une porte, par ce que tout le monde doit clôturer! Et celui qui met pas de clôture, ça veut dire que ça appartient à tout le monde, que tu peux rentrer, tu peux faire n’importe quoi. Avant, il y avait plus d’intimité, d’entraide, de collectivité. Les ruisseaux, par exemple, les cantonniers le nettoyaient, mais les riverains aussi! Moi je me souviens, les riverains, chacun se ramenait au ruisseau… Et puis, à la limite, celui qui avait pas la scie pour couper, l’autre lui prêtait, et puis ils le faisaient ensemble. L’autre était une personne âgée, et beh c’est pas grave, un jeune venait et faisait le morceau de la personne âgée!
Q- La personne âgée avait un rôle, un statut différent?
G- La maison de retraite, ça n’existait pas. La personne âgée, elle savait beaucoup de choses. Elle était utile. Tout le monde restait chez soi.
A- Et tout le monde y trouvait son compte. C’était la famille, pas l’individu. C’était accepter le groupe, d’ailleurs les maisons étaient prévues, y’avait l’appartement des personnes âgées, l’appartement des parents, et celui des enfants qui se mariaient.
Q- Donc quand il se mariait, l’aîné pouvait rester, avec sa femme? Et le second?
A- Je ne sais pas.
G- Après, il y avait plus souvent plusieurs maisons, quand même. C’était y’a longtemps, qu’on vivait comme ça.
Q- Vous, vous n’avez pas connu?
G- Non, moi déjà, mes enfants partaient. Il y avait les grands parents qui étaient… Il y en a encore qui vivaient ensemble. Mais ça commençait déjà..
A- Ca a commencé avec notre génération. Celle qui a commencé à ne pas recevoir les parents. Cette génération d’après guerre, c’est la première a ne plus accepter les parents. Il y a très peu de gens de ma génération qui se sont occupés de leurs parents. C’est un problème pas seulement vidaubanais, c’est un problème général. Je pense que, c’est mon opinion personnelle, je pense que il y a un but très lucratif derrière, on lobotomise les gens. On leur dit « mais votre personne âgée sera mieux en maison de retraite. Si vous la gardez chez vous, vous allez pas pouvoir vous en occuper tout le temps, des fois elle sera toute seule! En maison, elle aura toujours quelqu’un ». Or c’est faux! En maison de retraite, la personne elle est seule. Elle passe la nuit, seule. Et elle va sonner si elle a la force d’aller sonner. Si elle ne l’a pas, la pauvre, elle va rester seule.
G- Il y avait surtout, quand même, la maîtresse de maison qui restait là, qui ne travaillait pas, qui ne quittait pas la maison. Ça fait aussi une grosse différence avec aujourd’hui: une femme qui travaille part à sept heures de la maison, et la journée…
A- On peut toujours faire appel à des aides soignants, des trucs comme ça… Mais la mort, le fait de mourir aussi a changé: on a enlevé les obsèques municipales au profit des pompes funèbres, en disant que c’était plus civilisé. On a touché la peine de quand il y a quelqu’un qui meurt: on veut que ce soit le mieux possible, et même si c’est ridicule, on le fait tous.
Q- Vous avez connu des veilles?
G- Oh oui… Dans ma jeunesse… C’était que le cimetière et la veille. On se connaissait tous: alors il fallait y aller. Moi, des fois, mes filles me disent: « toi quand même, quand t’étais jeune, c’était plus facile ». Je leur dit « c’est vrai. Mais s’il fallait que vous fassiez ce que nous avons fait, vous le feriez pas. » Comprenez bien: les familles restaient là, dans le village, sûrement que la famille maintenant, se disperse trop: mais les oncles, les tantes, avant, tout le monde restait là. Je sais pas combien d’oncles je suis allée veiller, combien de veilles j’ai fait je sais pas: c’était que ça. Même les amis qu’on connaissait bien, il fallait aller veiller. Alors, on restait des fois jusqu’à minuit, une heure, ou bien d’autres fois on renait le relais à une heure, et on restait… Mais ça, c’était courant. C’était dans la vie courante: on allait veiller.
A- Tu sais, la veille, le fait de veiller la personne qui est décédée, ça s’est arrêté quand il y a eu les pompes funèbres. Maintenant, on a des chambres réfrigérées, mais mon père, qui est mort en soixante-sept, on l’a veillé. C’était coutumier, si tu veux. La personne décédait, tu appelais M. Ferrua, pas par téléphone bien sur, tu allais le voir, il n’y avait pas de téléphone. Tu dis voilà M. Ferrua, il faut venir prendre les mesures. Donc il venait, il prenait les mesures, il te faisait sous vingt-quatre heures le cercueil.
G- A minuit, on buvait le café. Si on était bien, on restait toute la nuit. Si on était bien, des fois, on faisait pas que la demi-veille: on restait toute la nuit.
A- Il y avait toujours quelqu’un auprès de la personne, on l’accompagne, jusqu’au bout. Alors qu’aujourd’hui, même si tu veux le faire, tu ne peux plus. Tu n’as plus le droit de le faire. Ca c’est la différence. Dès l’instant que la personne est décédée, il faut l’emmener au funérarium. C’est comme ça. Tu n’as plus le droit de dire « je le veux à la maison, il va rester là et quand ce sera le moment ils viendront le chercher », t’as pas le droit. Évidemment, du coup, il reste là bas.
G- Les premières personnes emmenées comme ça, ça faisait bizarre. On se disait « mais il va rester là bas tout seul, comme un chien? ». Au début, on les ramenait. Maintenant on ne peux plus. Ce que je trouve aussi extraordinaire, des fois ils doivent garder les corps au crématorium jusqu’à une semaine. Il n’y a pas de place, mais enfin quand même.
A- Ils font la moitié du Var à eux tout seul.
G- Ca a été deux jours, puis trois jours, et maintenant on en arrive à la semaine. Selon les périodes de pointe…
A- Et ils viennent de loin! La première crémation, je crois que c’était à Solliès Pont. Tout le haut-Var, Fréjus, tout ça ça vient tout là.
Q- La mort de quelqu’un se savait rapidement?
G- De suite. C’est à dire qu’à l’époque, on faisait savoir les morts. Quand quelqu’un mourait dans la famille, on avait un parent, une amie, qui passait dans les maisons et qui faisait savoir les décès des personnes, avec l’heure des obsèques. On mettait un drap noir autour des portes.
Q- Le deuil était respecté comment?
G- Jeune, je n’ai porté que du noir. Écoutez c’était, la famille était un peu nombreuse. Je me rappelle quand il est mort un oncle, le premier. Je devais avoir euh… trois ans, quatre ans. On m’avait pas mis du noir. Avec ma cousine, on était du même âge, et on nous habillait pareil. On nous avait mis une robe à carreaux gris et blancs. Trois ans. Et, après, quand mon grand père est mort, alors j’avais sept ans, là j’avais de gros carreaux noirs et blancs. Y’avait du noir, mais un peu de blanc. Et quand j’étais à l’école supérieur, je me rappelle, on avait les blouses rouges. Il était mort mon oncle en Septembre, Maman était allée à l’école demander que je puisse avoir des blouses grises. Vous vous rendez compte, à dix ans. Tout ce que j’ai porté comme noir, c’est pas possible. Et quand il est mort mon autre grand père, j’étais enseignante à Lorgues. Avec ma cousine, toujours avec elle, on portait les deuils de la famille ensemble. A l’époque, on faisait des turbans. Par ce que l’on mettait des chapeaux, à l’époque. Un turban en crêpe georgette, ça s’appelait. Noir. Alors, nous avions le chapeau noir, on était habillées de noir, les gants noirs. Qu’est ce que j’ai porté comme noir.
Q- Et vous le portiez combien de temps?
G- Ouf! Écoutez, quand il est mort mon père, et mon beau père, ils sont morts à un an d’intervalle. On le portait treize mois le grand noir. Tout en noir. Toutes les femmes. Et après, on portait le demi-deuil: alors le demi-deuil, on le portait neuf ou six mois, je sais pas. Donc quand il est mort mon beau-père, je finissais les treize mois de deuil de mon père. Alors je me suis remise en noir, de pied en cap. Quand même, c’était la coutume, et puis pour ma belle mère, il fallait que je…
A- Mais c’était comme ça.
G- Aussi, mes filles me voyaient toujours en noir. Quand elles avaient deux ou trois ans, moi j’étais toujours le noir. Quand des amies venaient, elles disaient « la jolie robe » par ce qu’elles voyaient un peu des couleurs, et que moi j’étais en noir. Je sortais plus du noir, quand il est mort mon père et mon beau père.
A- Un oncle, un cousin, tu avais deux mois, un mois, le mari c’est deux ans, c’était très codé. Tu avais des durées.
G- Avec le demi-deuil, on pouvait mettre un peu de blanc.
Q- Une veuve pouvait se remarier?
G- Ça se faisait pas couramment. Bon, les gens mourraient plus jeunes. Un homme, quand il avait soixante-quinze ans, il était âgé, comme maintenant un homme de quatre-vingt cinq. Je sais que mes grands parents maternels sont morts très âgés, mon grand pêre quatre-vingt-sept et ma grand-mère quatre-vingt-trois. Mais c’était quand même rare. C’était particulier. Les gens se mariaient pour la vie. Quand il mourrait quelqu’un, on commençait à avoir la TSF, on la supprimait: plus de musique dans la maison. Et quand il y a eu la télé, plus de télé. Que des choses comme ça: on allait plus au cinéma. Et on le respectait! Qu’est ce qui ne fallait pas faire. Des tas de petites choses comme ça. Treize mois, on ne faisait plus rien.
Q- On prohibait des pratiques alimentaires? Comme la consommation d’alcool?
G- Non… On buvait, dans toutes les familles, un peu de vin, mitigé avec de l’eau. Raisonnablement. Bien sur, il y a toujours eu des gens qui buvaient. Mais dans la consommation de l’alcool, comme dans la consommation en général, un peu plus de liqueur que maintenant. A table, au repas, il fallait, avec le café, la liqueur.
Q- Les repas?
G- Quand j’étais jeune, on ne faisait pas trop de repas de famille: ç’aurait été difficile, tout le monde est fils ou fille unique dans la famille. J’aurais voulu savoir ce que c’est l’amour fraternel. C’était rare à l’époque. Heureusement, du côté de ma mère ils étaient nombreux, j’avais des cousins. Alors moi, mes cousins, c’était le… c’était tout! Ils arrivaient de Marseille. Quand je pouvais, je disais à ma grand-mère: « fais les venir pendant les vacances », elle me répondait qu’ils ne viendraient pas pendant les vacances. Alors, j’insistais, je les attendait comme… J’étais heureuse, j’avais mes cousins. Maintenant, ils sont tous morts.
Q- Vous avez du voir passer les générations en étant restée si longtemps institutrice?
G- Oh oui, les générations, je les mélange. Des fois, j’en rencontre, je dis: « dis moi un peu si tu es la mère, la grand mère, tout à l’heure j’arrive bientôt à l’arrière grand mère! » C’est vrai, hein. J’ai vu les jeunes se mettre ensemble, grandir. Je connais tout le monde, à Vidauban. J’ai fait toute ma carrière ici. Donc, trente quatre ans, j’ai vu du monde. Après, il y a bien quelques années que je suis à la retraite, je ruine le gouvernement! (rires) Je suis bien à Vidauban, moi je pars pas, je connais tout le monde. Je connais tous les enfants, ça a été ma vie. Je suis contente.
A- Elle nous faisait des cours le soir, gratuits, pour compléter! Quand on passait en sixième, on avait trois possibilités. Donc, en seconde, les meilleurs allaient au lycée, donc études longues, sinon c’était collège, cours complémentaire, donc études courtes. Après, ceux qui ne suivaient pas, ils passaient en première, avec le certificat d’étude et le métier ensuite, l’école finissait à quatorze ans. Pour qu’on aille au lycée, celles qui voulaient bien préparer, elle nous donnait des cours gratuits. Ca nous a donné un profond respect pour elle. Un tiers environ de la classe allait au lycée, après les années cinquante ça s’est bien démocratisé.
G- Le collège est devenu obligatoire, puis le certificat d’étude a été enlevé petit à petit. On avait des classes chargées, quarante, quarante deux élèves.
G- Souvent, les couples se formaient avec les matchs de foot. Y’avait l’équipe qui jouait, et des fois, des mariages se faisaient. C’était par périodes, des fois c’était les arcs, des fois le Luc, un peu le Muy. Y’avait des modes, ou sa se tournait vers le Luc, ou vers les arcs. Avant la guerre, y’avait la viole comme bal. Cétait un peu joyeux. Des fois, y’avait des bals au petit casino. Y’avait le bal du mardi gras; là, y’avait quand même beaucoup de gens qui se travestissaient, y’avait aussi les défilés.
(elle reçoit un appel téléphonique)
G- C’était ma cousine, du côté maternel, moi j’étais du côté paternel. Elle habitait là, là, ce qui fait qu’on se connaissait. Elle venait quelquefois, mais elle ne vient plus, et moi je ne vais plus à Draguignan. Ça me manque beaucoup, ça m’est interdit. Noëlle et Nicole (ses enfants) ne veulent plus que je prenne un car. Alors c’est pour ça qu’elle venait me chercher, me menait faire les commissions aux Arcs, mais là, une était malade et l’autre était fatiguée, alors elles ne viennent pas cette semaine. Je leur ai dit « restez, pas de problèmes, la santé avant. » Ce qui fait que je ne vais plus à Draguignan. Je tombais assez souvent, je tombais énormément. Maintenant je fais attention. Mais les rues de VIdauban hein, je les ai toutes essayées. (rires) partout, je suis tombée un peu dans toutes les rues. C’est que je peux plus me relever, alors je fais attention mais des fois! Il y a des pavés, si on se méfie pas y’a des petites choses d’un millimètre là… Je tape souvent, comme j’ai plus la stabilité d’autrefois. Elles ne veulent plus que je prenne le car. Alors je leur répond « mais c’est ridicule, c’est ridicule. Les cars sont transformés, y’a des petites rampes pour monter, et puis, quand même, on dit au chauffeur « attendez ».
A- Elles, ça les tranquillise.
G- Oui, mais ça les fait venir un peu plus souvent.
A- Mme Meissel, la pharmacienne, elle est toujours gaillarde?
G- Eh ben justement, il lui est arrivé un pépin, elle est tombée, comme maintenant, on a beau être près de Draguignan, si y’a plus de place on vous promène un peu partout, elle est à Nans-les-pins.(rires) Il y a bien quinze jours trois semaines qu’elle est tombée. Elle s’est fêlée je sais pas quoi, ils disent qu’elle en a pour deux mois. Je crois qu’elle est pas loin des cent ans elle. Elle est de quatorze, on a six ans. J’ai plus trop de nouvelles… Depuis mes chutes, je me suis un peu coupée.
Q- Votre mari chassait?
G- A ça, lui, la chasse, c’était tout! C’était une passion. Des fois, je lui disait « tu arrêtes ». Il chassait avec des amis. Au début quand on était mariés, je lui disais tout le temps « n’y va pas, mais qu’est ce que tu vas faire »… Après, quand on a eu les enfants, on s’organisait. Alors je le laissait y aller, le dimanche, je sortais avec les petites, y’avait maman qui restait avec nous, ça me faisait une compagne un peu. Ca lui plaisait pas d’aller promener, alors qu’il faisait des kilomètres pour chasser. A l’époque, la société de chasse mettait quelques limites, mais le chasseur était plus toléré. La pèche, en revanche, j’ai dit stop. Des fois, il montait dans le haut-Var pécher la truite. Quand on y allait, on était gênantes, les petites tiraient des cailloux dans la rivière.
C’était pas la même vie, c’était pas pareil.
Seconde partie en attente
2 réponses sur « Institutrice d’après guerre: dialogue autour d’une vie rurale (1/2) »
J’ai dévoré cet article , Mme Giraud a aussi été ma maîtresse ! dans les années 60
Article très intéressant.
Merci.